Le « gourou » écossais de Cisjordanie
Nigel Parry a mis en place le premier site hébergé dans les Territoires, à l'université de Bir Zeit, près de Ramallah. Edition du mercredi 18 octobre 2000
A son premier voyage en Terre sainte, en 1989, Nigel Parry ne connaît rien du conflit israélo-palestinien. Et Internet n'existe pas encore. « Au cours de ce premier voyage, je n'ai fait que traverser une guerre où les armes à feu étaient d'un côté, raconte-t-il aujourd'hui. De l'autre côté, il y avait des hommes, des femmes et des enfants qui lançaient des cailloux. » En 1989, l'Intifada (la guerre des pierres) s'éternise depuis deux ans. Un peu moins d'une décennie plus tard, le Haaretz - le grand quotidien de la gauche israélienne - consacre Nigel Parry « gourou des nouveaux webmestres de Cisjordanie ». Et pour cause. Sur cette étroite bande de terre, le jeune Ecossais est celui par qui le Web arrive. Le premier site hébergé dans les Territoires palestiniens qu'il met en place, à l'université de Bir Zeit (près de Ramallah), est encore la porte d'entrée sur la Palestine virtuelle. Avec une détermination de fourmi, il transforme le site de l'université en portail de la Palestine. « J'ai fait la première version en recopiant des lignes de codes dans les livres, raconte-t-il. Ce n'est que peu à peu que les choses se sont améliorées. »
En peu de temps, birzeit.edu devient, en quelque sorte, le yahoo.com palestinien. Tous les sites hébergés dans les Territoires y sont recensés, commentés, parfois récompensés. Parti de quelques centaines de visiteurs réguliers à sa création, en 1995, le site recense aujourd'hui plus de 40 000 connexions par semaine. Mais ce qui n'est au début qu'une alternative aux traditionnelles publications sur papier - le poste que Nigel Parry occupe est celui de responsable des relations publiques de l'université - va vite devenir un puissant outil de communication, au contenu parfois sans aucun rapport avec l'établissement.
Dès les balbutiements du site, Parry met en ligne, à titre personnel, son Journal du conflit israélo-palestinien. L'un des chapitres, édité en avril 1998 sous le titre « Qui a tué Muhiadin Al-Sharif ? », le place dans une situation très inconfortable. Après une minutieuse enquête, Parry accuse nommément l'Autorité palestinienne de collusion avec les services de sécurité israéliens dans le meurtre de Muhiadin Al-Sharif, un responsable de la branche armée du Hamas. C'est, note le Haaretz, la première fois qu'une source d'information basée dans les territoires contrôlés par l'Autorité palestinienne se permet de défier à ce point la version officielle des faits. Deux mois plus tard, Nigel Parry rentre chez lui et y trouve « une foule de Palestiniens armés, dont des membres des forces palestiniennes de sécurité. Toutes mes affaires étaient éparpillées dehors et un bulldozer avait rasé les murs de ma chambre ». Il décide alors de rentrer à Londres. Il y prépare aujourd'hui une seconde vie à son fameux Journal. Sur les pages d'un livre, cette fois.
